Projet : Rôle de l'Accentuation Initiale dans la structuration prosodique en français - de la phonologie au traitement de la parole -
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Ce projet vise à décrire les caractéristiques accentuelles du français afin de mettre en lumière la structure phonologique sous-jacente caractérisant cette langue. Cette question est abordée au travers du patron bipolaire AI-AF (Accent Initial - Accent Final), envisagé comme structure métrique de base en français.
Une originalité du projet est d'aborder la question en combinant deux approches phonologiques complémentaires : la théorie métrique auto-segmentale (AM) actuellement dominante pour décrire la prosodie de nombreuses langues sur son versant tonal ; et l'approche métrique et fonctionnaliste (MF) qui permet non seulement de pallier les lacunes de la première en tenant compte des aspects rythmiques tout aussi cruciaux que les aspects intonatifs pour comprendre la prosodie des langues, mais aussi d'étudier la parole dans diverses situations de communication. Une telle combinaison d'approches est nécessaire afin de rendre compte au mieux de la spécificité prosodique du français, encore trop souvent considérée comme 'langue sans accent' ou 'langue de frontière'. Notre proposition principale concerne la dissociation entre les notions de frontière et de proéminence, permettant d'embrasser toutes les règles d'occurrence du patron bipolaire /AI AF/.
Nous proposons d'appliquer une même grille d'analyse sur une série de corpus allant de la parole de laboratoire à la parole semi-contrôlée et l'interaction dialogique spontanée. Des expériences de production et de perception tant comportementale que d'imagerie cérébrale (EEG) nous permettront de montrer que ce patron bipolaire a une réalité phonologique certaine, qu'il est perçu et produit par les locuteurs français, et qu'il résiste aux nombreuses sources de variabilité inhérente à chaque situation de parole. Nous proposons de centrer davantage notre investigation sur AI, moins décrit que AF, et de montrer qu'il est non seulement produit et perçu par les auditeurs naïfs, mais qu'il joue un rôle fondamental dans la structuration de la parole et dans la segmentation et l'accès au sens. Les expériences de production sur divers styles de parole nous permettront d'affiner la caractérisation acoustico-phonétique de AI et AF afin d'améliorer les systèmes de détection automatique des événements prosodiques sur de larges corpus.
Le choix du consortium déployé dans ce projet s'avère particulièrement judicieux puisqu'il regroupe des membres experts pour chacune des disciplines (linguistique, psycholinguistique) et chacune des approches envisagées (phonologie de laboratoire, analyse de corpus, etc.). Ce consortium permettra de faire émerger une vision nouvelle de la prosodie du français, totalement en phase avec les débats internationaux actuels qui cherchent à établir des liens entre l'approche phonologique - cantonnée jusqu'ici à la parole de laboratoire - et les grands corpus de parole qui requièrent d'autres approches. L'approche MF défendue par le porteur de ce projet apporte ainsi une contribution essentielle aux débats qui ont cours sur la scène internationale, au travers de deux points principaux. Le premier est lié au fait qu'une telle approche prend en compte la variabilité prosodique induite par les différents types de parole en permettant de déterminer les invariants dans la parole. Le second fait écho aux discussions internationales relatives à la nécessité de dépasser le seul niveau intonatif sur lequel l'approche AM a fait porter ses efforts. L'approche MF apporte en effet les dimensions métrique et rythmique, tout aussi cruciales que la dimension intonative, pour la description de la prosodie d'une langue.